Sunday, June 26, 2016

Les chutes de Zongo

Avec mon collègue et ami Joël, nous sommes allés voir les chutes de Zongo. Ce sont des chutes impressionnantes qui se trouvent à une heure de route de Kisantu. Nous avons pris le taxi de Kinshasa à Kisantu. C'était assez folklorique. Le conducteur avait le volant à droite. Deux hommes forts se sont assis l'un à côté de l'autre sur le siège avant. À l'arrière, il y avait de gauche à droite, un octogénaire très petit en costume, moi, une fille d'à peu près vingt ans avec beaucoup de sacs, et Joël. Nous sommes restés comme ça, sardinisés, pendant une heure et quarante minutes. Les paysages étaient très beaux.
Après avoir payé le taxi (6.000 francs congolais), l'agent de la DGM est tout de suite arrivé vers moi pour vérifier mon passeport. Eh oui, les étrangers ne peuvent pas circuler librement à l'intérieur du pays. Ils sont toujours contrôlés partout, même à 100 mètres de chez moi des policiers et agents de la DGM m'ont demandé mon passeport. Je pense que c'est le seul pays au monde où on doit prendre son passeport pour faire un jogging.
La ville de Kisantu est très pauvre. Il y a plus d'échoppes et de maisons en planches qu'en briques. Les gens sont plus maigres qu'à Kinshasa. On se sent au cœur de l'Afrique. Nous avons acheté des bananes et nous avons demandé comment se rendre aux chutes de Zongo. Plusieurs personnes nous ont montré un chemin de terre avec de gros nids de poules qui ressemblait plus à un cul-de-sac qu'à la seule et unique route qui mène à une des 5 attractions touristiques les plus en vues au Congo.
Il faut admettre que le Congo est un des pays les moins touristiques du monde. Il y a très, très peu d'infrastructures touristiques. Les conditions d'hygiène sont assez déplorables, les agents de la DGM vérifient le passeport dès qu'ils voient un Blanc, même s'il est impossible de rentrer au Congo sans avoir ses papiers en ordre, les hôtels coûtent le prix d'un 5 étoiles ailleurs mais n'en méritent pas deux. Et j'en passe!
Comme la route était trop cabossée pour prendre une voiture, nous avons pris une moto. Une moto pour deux! Nous étions donc à trois sur la moto. Là encore les paysages étaient splendides. On a vu beaucoup de cabanes le long de la route. Les gens vivent comme il y a cinq ou dix mille ans. Ils n'ont pas d'eau ni d'électricité. Ils étaient fort surpris de me voir là, sur une moto. Presque tout le monde m'a fait signe. ça faisait chaud au cœur.
Juste avant les chutes, il y a un poste de police. Le policier a demandé mon passeport et la carte d'électeur de Joël (les Congolais n'ont pas de carte d'identité. Ils ont seulement des cartes d'électeurs...). Le chauffeur n'avait pas son permis de conduire. Il a dit qu'il l'avait oublié, mais en avait jamais eu un? Au Congo, on ne passe pas son permis, on l'achète. Il n'avait probablement jamais eu assez d'argent pour acheter son permis. En plus, le permis n'est valable que pour deux ou trois, après il doit en acheter un nouveau!

Il a payé l'amende et nous avons vu le barrage fait par les Belges dans les années 50 - une prouesse technologique pour l'époque, car l'eau est vertigineusement profonde et incroyablement puissante à cet endroit. On nous a dit que plusieurs personnes avaient perdu la vie en essayant de nager là. Ensuite, nous sommes arrivés dans un des seuls complexes touristiques du pays. Il a bien sûr fallu payer 5.000 francs (5 dollars).

Mais les chutes sont impressionnantes. Nous nous sommes approchés. Il y avait un panneau : "Payer 5.000 francs pour faire des photographies." J'ai donné l'argent et nous avons vu ce beau spectacle. Je m'imagine que la plupart des Congolais qui vivent à quelques centaines de mètres n'ont jamais vu ça, étant donné le prix.
Après nous être ébahis de ce spectacle époustouflant, nous nous sommes installés à une table sur une petite terrasse, à quelques mètres de la chute. C'était un très bel endroit. Nous avons consulté la carte et tout de suite vu que les prix étaient exagérés : 50 dollars par personne pour un poisson du fleuve. Are you kidding me? Nous avons pris deux sandwiches avec des frites et de la bière. Dans mon sandwiche au thon, il n'y avait que du thon, ni salade, tomates ou autres! Je n'ai pas osé regarder la nourriture de mon ami. Ça n'avait pas l'air de la haute gastronomie non plus.

Wednesday, June 22, 2016

Scolarisation d'enfants pauvres

En avril de cette année, un de mes collègues et ami m'a demandé si j'étais intéressé de scolariser un ou deux enfants pauvres. L'école n'est pas gratuite ici, comme en Europe. Les parents doivent payer entre 200 et 300 dollars américains chaque année, par enfant. Mon ami a monté une petite ASBL pour venir en aide aux plus pauvres. Il m'a montré une liste avec une vingtaine d'enfants. J'ai choisi Gaby et Énodi Mukeba parce que leur père était parti, laissant leur mère sans ressources. Comment pourrait-elle seule scolariser et nourrir deux enfants? Elle travaille, mais je pense que son salaire mensuel n'excède pas 100 dollars.

Je suis allé les voir dans leur petite maison en tôle au sommet d'une colline. C'était magnifique! Gaby a cinq ans. Il va rentrer en 1ère primaire en septembre 2016. Énodi a 9 ou 10 ans. Ils ont un frère de 11 ou 12 ans. Une autre collègue paie sa scolarité. Je les ai vus tous les trois et la Maman aussi. Elle est institutrice dans une petite école non loin de là. Elle avait un très grand sourire en me voyant. Ils vivent tous les quatre dans un espace très restreint, une seule pièce de 7 ou 8 m2. Il n'y a pas de porte ni de fenêtre. Il n'y a pas non plus d'eau courante ni d'électricité. Je me demande ce qu'ils mangent... On a donné des biscuits au plus jeune. Il les tenait comme un trésor. Lors de ma prochaine visite, je vais leur apporter quelques jouets. N'est-ce pas une bonne idée?

Les écoles belges en Afrique

Il y a cinq écoles belges en Afrique : deux en République Démocratique du Congo, une au Burundi, une au Rwanda et une au Maroc. La plus ancienne et plus grande de ces écoles est Le Lycée Prince de Liège de Kinshasa, au Congo, ouverte depuis 1966. Ensuite, il y a l'École belge de Lubumbashi, dans la province minière du Katanga, aux portes de la Zambie. Les enseignants sont logés dans l'école elle-même. Ce qui présente des avantages, mais aussi des inconvénients... Au LPL, il n'y a que quelques logements intérieurs. La plupart des appartements se trouvent en dehors, mais jamais trop loin. Les enseignants vivent dans des "concessions", résidences entourées d'un mur d'enceinte et protégées, de jour comme de nuit, par des gardes. Les résidences les plus populaires sont Lucas (à 600 mètres de l'école), Blue Paradise (à 1000 mètres), Utexafrica (à un peu plus de 2 kilomètres), La Forge (à 3 kilomètres) et Ma Campagne (à un peu plus de 5 kilomètres).

Il y a une école belge à Bujumbura, la capitale du Burundi. La ville est au bord du Lac Tanganyika. Malheureusement, la situation politique au Burundi n'est pas très bonne en ce moment. L'école belge est encore ouverte, mais on ne sait jamais pour combien de temps. La situation dans le pays voisin, au Rwanda, en revanche, semble s'être nettement améliorée. L'école se trouve à Kigali, la capitale. On la connaît seulement comme l'"École belge de Kigali", EBK. Ces deux pays furent d'abord des colonies allemandes et ensuite des colonies belges. Le Burundi fut allemand des années 1890 à 1918. Il fut belge de 1918 à 1959. Le Rwanda fut allemand de 1884 à 1916. Il fut ensuite belge de 1916 à 1962.

Le quatrième pays qui accueille une école belge est le Maroc. Il y a une belle école belge à Casablanca, la ville blanche. Elle a été inaugurée en 2014. Le succès est tel dans ce pays qu'une deuxième école est en construction, un peu plus au nord, à Rabat. Son ouverture est prévue pour septembre 2018.

Tuesday, June 21, 2016

Bienvenue sur ce blog!

Ceci est le blog du professeur de français du Lycée Prince de Liège de Kinshasa. Pour l'année scolaire 2015-2016, il y avait 5 professeurs de français en secondaire : Christophe, Julie, Alice, Seya et Steeve. Les trois premiers s'occupaient du degré inférieur, Seya avait des élèves des deux degrés. Et moi, Steeve, j'avais uniquement des élèves du degré supérieur, 4ème, 5ème et 6ème (des élèves de 15 à 21 ans).

Ce blog se propose de parler du Lycée Prince de Liège ou École belge de Kinshasa, d'informer les internautes sur cette très bonne école, sur la vie de cette école, ainsi que la vie d'expatrié à Kinshasa. En une phrase, on pourrait dire ceci : L'école est une école excellente, au cœur de l'Afrique, les collègues sont tous des gens très sympas, les élèves sont généralement bien élevés, nous avons peu de problèmes disciplinaires, mais la ville de Kinshasa n'est pas la ville la plus agréable du monde, loin s'en faut!

Après avoir enseigné quelques années en Belgique, en France, en Inde et à Taïwan (où je suis resté 5 ans), j'ai été choisi pour ce poste de professeur de français pour les plus grands élèves de l'École belge. Lors de l'année scolaire 2015-2016, j'ai aussi donné le cours d'éducation à la citoyenneté, qui est en fait un cours de philosophie. Je donne aussi régulièrement des cours de rattrapage en anglais, cette fois pour tous les élèves qui le souhaitent, peu importe leur âge. J'ai fait des études de philosophie, de français et ensuite d'anglais, à la Haute École Roi Baudoin de Braine-le-Comte (aujourd'hui ridiculement rebaptisée "HELHA") et à l'Université Catholique de Louvain, UCL.

Pour l'année scolaire 2016-2017, je vais enseigner le français le matin et l'anglais l'après-midi. En effet, les professeurs n'ont généralement pas cours l'après-midi. Le mercredi et le vendredi, il n'y a tout bonnement pas cours. Il est possible d'avoir une ou deux heures à donner l'après-midi, mais ça n'excède pas une après-midi par semaine. Si le professeur à plus de deux après-midis par semaine, c'est soit qu'il a plus de 24 heures de cours par semaine (le nombre d'heures habituel), soit qu'il est professeur de gymnastique : les cours de gymnastique se donnent souvent l'après-midi.

Voilà! Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture. À très bientôt!

Une école internationale de qualité

Kinshasa n'est pas un petit village de province. C'est la plus grande ville et la plus peuplée de la République Démocratique du Congo, le deuxième plus grand pays de l'Afrique (le plus grand est l'Algérie). Kinshasa est la troisième plus grande ville d'Afrique, juste derrière Lagos, la ville la plus populeuse du Nigéria, et Le Caire, la capitale de l'Égypte. Elle compte plus ou moins 10 millions d'habitants et une superficie de presque 10.000 km2, c'est-à-dire presque un tiers de la Belgique.

Les trois écoles les plus connues de cette ville tentaculaire sont le Lycée Prince de Liège, communément appelé "école belge", le Lycée René Descartes, qui se trouve juste à côté et que les gens appellent "école française", et Tasok, l'école américaine. Ces trois écoles délivrent des diplômes (Certificat d'Études Secondaires Supérieures ou, dans le système français, Baccalauréat) qui donnent accès aux universités de tous les pays, notamment européennes et américaines. Ce qui n'est pas vrai des écoles congolaises. Le diplôme qu'elles délivrent ne donne accès qu'aux universités congolaises, dont les programmes ne sont pas reconnus en Europe et en Amérique.

Aucune école au Congo n'est gratuite. L'école n'est pas obligatoire : on estime que près de la moitié des enfants du pays ne sont pas scolarisés. Il faut compter de 200 à 300 dollars américains pour une année d'enseignement au niveau primaire. Et presque le double pour le niveau secondaire! Les études universitaires coûtent à peu près 800 dollars par an. Je parle en dollars américains parce que c'est la monnaie du Congo, ou plus exactement l'une des deux monnaies. L'autre monnaie est le franc congolais. On utilise les francs congolais pour toutes les petites transactions (généralement tout ce qui coûte moins de 10 dollars) et les dollars américains pour toutes les plus grosses transactions (généralement pour tout ce qui coûte plus de 10 dollars).

Les trois écoles dont nous parlons sont des écoles d'excellence. L'école belge et l'école française coûtent à peu près 10 fois plus que les écoles congolaises (c'est-à-dire 3.000 dollars pour l'école primaire et 5.000 dollars pour l'école secondaire). L'école belge est un peu moins chère que l'école française. L'école américaine, au contraire, est plus onéreuse... On dit que le minerval ou frais d'inscription s'élève à 20.000 dollars par an pour un ou une élève du secondaire. Crazy!

L'école belge, inaugurée en 1966, n'est pas seulement la moins chère des trois écoles phare de la République Démocratique du Congo, elle est aussi, et de loin, la plus ancienne et la plus réputée des trois. La plupart des ministres, des hommes de pouvoirs et des hommes d'affaires, ainsi que des intellectuels kinois (de Kinshasa), y inscrivent leurs enfants. Il existe une autre école belge en RDC, mais pas à Kinshasa. Elle se trouve à quelques 1.800 kilomètres au sud-est, dans la ville minière de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga.

Le LPL

Le LPL est une école belge située à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. C'est une école francophone dans un pays francophone, mais il y a également une partie néerlandophone, plus petite. La partie francophone compte trois sections : maternelle, primaire, secondaire. La partie néerlandophone ne compte qu'une section : primaire. Dans la partie francophone, il y a eu 998 élèves pour l'année scolaire 2015-2016. Ils se répartissaient comme suit : 166 en maternelle, 480 en primaire, 352 en secondaire. L'école a été fondée en 1966 par le Gouvernement belge.

Avant de s'appeler "République Démocratique du Congo", le pays s'appela juste "Congo" de 1885 à 1965. De 1885 à 1960, il fut tout d'abord possession du Roi des Belges Léopold II avant de devenir, quelques années plus tard, une colonie du Royaume de Belgique. En 1960, la Belgique accorda l'indépendance à ce pays. Cinq plus tard, le président Kasavubu fut renversé par un coup d'État. Le général Mobutu prit le pouvoir. Il changea le nom du pays en "Zaïre". En 1997, après un règne de 32 ans, il fut à son tour déposé par Laurent Désiré Kabila. Celui-ci rebaptisa le pays par son nom d'origine et ajouta que c'était une république et qu'en plus elle avait l'ambition d'être démocratique. D'où le nom actuel!

Le Roi de la Belgique de l'époque, Baudoin I, avait tenu, même après l'indépendance, garder des liens forts avec l'ancienne colonie, et ce quoiqu'il arrive. Une de ses démonstrations d'amitié entre les deux pays fut la création d'une école de haut niveau. Comme Baudoin I avant de devenir le Roi de Belgique portait le titre de "Prince de Liège", il décida d'appeler l'école belge, preuve de l'amitié entre les deux nations, le Lycée Prince de Liège de Kinshasa, ou LPL.

Le LPL n'a cessé de fonctionner que quelques mois depuis son inauguration en 1966. La plus grande cessation d'activités, ce fut en 1997, lorsque Mobutu fut renversé par Laurent Désiré Kabila. Il y a eu de nombreux pillages, notamment chez les expatriés belges. L'école a été pillée, mais la structure n'a pas souffert. Les Congolais ont pris tout ce qu'ils pouvaient prendre, mais n'ont pas touché à ce monument de l'éducation de leur pays. Quelques six mois plus tard, l'école a réouvert ses portes et les enseignants sont revenus.

Je dis "revenus" parce qu'ils étaient tous rentrés en Belgique. Comment cela peut-il bien se faire? Parce qu'ils étaient tous belges. Eh oui, tous les enseignants du LPL sont belges. Sur 70 enseignants, il y en a une petite dizaine qui sont noirs, mais ils sont également belges. Certains sont belges et congolais à la fois, d'autres sont juste belges. Une autre caractéristique de ces enseignants, c'est qu'ils sont tous détenteurs de diplômes belges. Une majorité de ces enseignants ont une troisième caractéristique, en plus d'être belges et détenteurs de diplômes belges, mais nous en parlerons dans un article ultérieur. Évidemment sur ce blog!